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Pourra-t-on voir à travers la matière comme Superman ?

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L' article ci-dessous vient de paraître dans Thinkovery (148 p., 15 €), émanation papier du site Thinkovery.com, dont j'ai déjà parlé ici et qui propose des vidéos où les scientifiques exposent leurs résultats de manière pédagogique. La rédaction a bien voulu me confier une chronique intitulée "L'imaginaire des sciences", dans laquelle je confronte la science-fiction à la réalité...  Je remercie Thinkovery de m'autoriser à reproduire ce texte.

Image extraite du film "Man of Steel". © Warner Bros Pictures.

Voir à travers la matière... A priori, rien de bien fantastique : il suffit d'aller dans un service d'imagerie médicale pour constater que la science a depuis longtemps rattrapé la fiction de ce point de vue. Radiographies (rayons X), échographies (ultrasons), IRM (imagerie par résonance magnétique) restituent déjà des images de l'intérieur du corps. Cependant, aucune de ces techniques ne fonctionne avec la partie du spectre électromagnétique qui constitue la lumière visible.

Placez une feuille de papier devant vos yeux et, malgré la finesse du matériau, les images des objets placés derrière deviendront subitement inaccessibles. La lumière émanant d'eux n'est cependant pas bloquée à 100 % car, la matière étant faite en grande partie de vide, certains photons traversent le papier. Mais il n'est pas possible pour autant, même avec la caméra la plus sensible, de récupérer une image. Les particules de lumière ont en effet été diffusées par la matière : elles ont interagi avec ses atomes et rebondi plusieurs fois comme dans un flipper nanométrique. Si les photons n'ont pas été renvoyés ou absorbés par la feuille, s'ils sont parvenus à trouver la sortie du labyrinthe, ils en émergent en filant dans n'importe quelle direction. Un peu comme si, du haut de la tour Montparnasse, on laissait tomber un puzzle à travers une série de grilles : même si toutes les pièces parvenaient à franchir ce tamis, les chances qu'elles arrivent au sol dans la bonne position seraient nulles. Dans ces conditions, difficile d'imaginer une super-vision comme celle qui permet à Superman, ce vicieux, de voir à travers les vêtements...

A moins que. A moins que l'on puisse corriger les effets de la diffusion. Après tout, c'est ce que font déjà certains télescopes à l'aide de la technique raffinée dite de l'optique adaptative, conçue pour empêcher que les molécules de l'atmosphère ne transforment l'image ponctuelle de l'étoile en une tache scintillante. Concrètement, les astronomes se servent d'une étoile de référence dont les caractéristiques sont connues pour savoir comment annuler les défauts de l'image en déformant en quasi-direct – plusieurs centaines de fois par seconde voire davantage – le miroir de leur télescope grâce à des vérins pilotés par ordinateur.

Dans une étude publiée en 2008 par les Physical Review Letters, une équipe néerlandaise a mis au point une technique analogue dans une expérience consistant à envoyer un laser sur une lame de verre rendue opaque par une couche de peinture et à travailler sur la lumière qui parvenait à la traverser. Pour ce faire, le laser était équipé d'un modulateur permettant d'ajuster le timing des diverses composantes du rayon, d'en retarder certaines par rapport à d'autres. L'algorithme utilisé par les chercheurs « bricolait » la lumière envoyée afin de lui donner les caractéristiques annulant les distorsions que lui faisait subir la diffusion. Au bout d'une heure de tâtonnements, on distinguait bien la marque concentrée du laser et non plus un brouillard de points éparpillés. La même année, une seconde équipe parvenait à un résultat analogue en envoyant sa lumière sur... une fine tranche de poulet.

Pour nombre de chercheurs, voir à travers la matière est en effet surtout intéressant si cette matière est du vivant. Ce qui pose deux gros problèmes. Le premier tient au fait qu'il faut faire traverser à la lumière des couches épaisses et hétérogènes (peau, muscles, os, etc.). Le second problème est dû au fait que le vivant... est vivant. Cela bouge en permanence, ne serait-ce que parce que le sang circule. Plus question d'attendre une heure pour prendre une image, il faut de l'instantané, ne pas dépasser quelques millisecondes.

C'est ce qu'est arrivée à faire une équipe internationale dans une expérience présentée en janvier par Nature Communications. Grâce à un système très élaboré mêlant lumière, ultrasons et miroir à retournement temporel, ces chercheurs sont parvenus, en seulement 5,6 millisecondes, à « éclairer » et à récupérer les informations lumineuses d'une cible placée derrière l'oreille d'une souris vivante. Interrogé par Nature, un des auteurs de cette étude, Lihong Wang, de l'université Washington à Saint Louis (Missouri), a même rêvé tout haut face à la vitesse des progrès réalisés : « On me prendra peut-être pour un fou, mais je crois que nous finirons par faire de l'imagerie médicale du corps entier avec de la lumière visible. » Superman aura bientôt des concurrents.

Pierre Barthélémy (suivez-moi ici sur Twitter ou bien là sur Facebook)

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